The LEFTOVERS

leftovers

The leftovers est un série télévisée américaine créée par Damon Lindelof et Tom Perrota. Elle est réalisée par Peter Berg, Keith Gordon, Leslie Linka Glatter et Mimi Leder. La saison 1 est composée de dix épisodes. Diffusée depuis le 29 juin 2014 sur HBO et en France depuis le 30 juin 2014 sur OCS City en VOSTFR.

Résumé :
Un 14 octobre en apparence ordinaire, 2% de la population disparaît mystérieusement de la surface de la Terre. Ces gens, de tous âges, se sont évanouis dans la nature, sans explication, laissant leurs proches dans l’angoisse et le désespoir. Trois ans plus tard, la vie a repris son cours dans la bourgade de Mapleton, une petite ville près de New York, mais rien n’est plus comme avant. Personne n’a oublié ce qui s’est passé, ni ceux qui ont disparu. À l’approche des cérémonies de commémoration de la Disparition, le chef de la police locale, Kevin Garvey, est en état d’alerte maximale : des affrontements dangereux se préparent entre la population et un groupuscule, aux revendications mystérieuses, comparable à une secte.

Hello shining people !

The leftovers, dont la traduction littérale serait « les laissés-pour-compte », est une série très particulière, que j’ai eu beaucoup de mal à cerner. Dès le premier épisode, j’ai ressenti une grande curiosité et une forte émotion. J’ai été submergée par l’ambiance mystérieuse et étrange, du fait de la disparition d’une grande partie de la population mondiale soudaine et inexpliquée. L’atmosphère est également pesante et triste ; après trois ans les gens ne semblent pourtant pas remis, et même si en apparence la ville de Mapleton n’a pas changé, la frustration des habitants est lancinante.

J’ai poursuivi mon chemin dans cette histoire, tout en me demandant à la fin des premiers épisodes si j’appréciais ou non cette série, et si je lui trouvais un intérêt. La série était déjà en train de faire effet sur moi, et ces questions là, faisaient partie de la volonté de cette série. J’ai alors compris que l’histoire n’était pas tant tournée vers les causes de la Disparition que sur les conséquences qu’elle produisait sur les gens, en l’occurrence sur certains habitants de Mapleton. Cette idée est d’après moi la résolution de la série, et l’on ignore où elle veut nous mener et si elle veut nous mener quelque part, sinon vers des questionnements.

Cela m’a alors amenée à me questionner sur la vie, l’humanité, la morale, et la spiritualité. Des thèmes abordés à travers des personnages, qui tentent de se reconstruire, d’oublier ou bien au contraire de ne pas passer un moment sans se rappeler et rappeler aux autres combien il est impossible de vivre comme avant. J’ai fortement ressenti la dimension religieuse, dès le générique, et particulièrement incarnée par le prêtre Matt Jamison, pour qui la Disparition est une épreuve imposée par Dieu. D’un autre côté, de nombreuses sectes voient le jour, telle que les Coupables Survivants. Ils sont chargés de transmettre leur « croyance » en surveillant des gens, en leur renvoyant l’image de la terrible Disparition, pour tenter ainsi de recruter des personnes, souvent affaiblies et perdues. Ils prônent le silence, ne communiquent donc que très peu et par écrit, et ils fument sans interruption pour proclamer leur foi, comme ils le revendiquent, bien qu’ils soient agnostiques. Il y a également des apparitions de « guides », qui s’autoproclament guérisseurs ou sauveurs, et illustrent la dimension de croyance aveugle. Parmi toutes ces dérives engendrées par une telle situation, on peut noter le recours à la violence, notion omniprésente et montrée de manière extrême parfois, donnant lieu à des scènes très dures, dont une particulièrement insoutenable. Cela souligne tout simplement la cruauté dont l’homme peut faire preuve dans un tel contexte. Même si ce n’est pas une série du genre fantastique, il y a un côté un peu surnaturel et chimérique. En effet, le rêve est parfois mêlé à la réalité, comme pour le personnage principal, Kevin Garvey, qui fait du somnambulisme. Tous ces thèmes sont à mon sens des sujets sensibles, qui soulèvent beaucoup de questions et divisent les opinions mais sont ici abordés avec intelligence.

Par ailleurs, je trouve la mise en scène de la série épatante, où le rythme est lent mais captivant. Il y a un vrai équilibre entre chaque épisode, et certains sont élaborés comme des portraits de personnages, ce qui permet de mieux comprendre leur psychologie. La qualité des images est superbe, avec des couleurs et une lumière toujours bien adaptées aux plans. La musique du compositeur Max Richter, joue également un rôle primordial, et ajoute une telle intensité aux images qu’elle contribue à l’expérience sensorielle de la série. Les morceaux surviennent à des moments toujours très forts émotionnellement et certains sont même associés à des personnages. J’aime vraiment beaucoup cette réalisation, très esthétique, puissante et digne d’un cinéma d’auteur.

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Le jeu des acteurs est l’un des aspects de la série que j’apprécie le plus et il représente l’âme de la série, qui repose plutôt sur ses personnages que sur l’action. En effet, on se focalise directement sur les personnages principaux, aux caractères très forts et sur les relations qui se créent entre eux.
Kevin Garvey, joué par Justin Theroux, est le personnage principal ; il est agent de police, père de deux adolescents, séparé de sa femme partie rejoindre la secte des Coupables Survivants. C’est un homme perdu mais qui lutte pour rester un père rassurant, maintenir l’ordre à Mapleton en exerçant son travail, tenter de récupérer sa femme et gérer ses traumatismes liés au choc de la Disparition. Je trouve son personnage admirable, dans son humanité et sa vulnérabilité ; et l’acteur, que je découvre dans ce rôle, a beaucoup de talent. Le second rôle, qui d’après moi est à noter, est celui de Nora Durst interprété par Carrie Coon. C’est une femme qui a perdu dans la Disparition, son mari et ses deux enfants, elle est donc totalement abandonnée. Elle est brisée et meurtrie, mais elle travaille tout de même pour le Département de la Disparition. Son métier consiste à interroger des proches des personnes disparues, durant un entretien filmé, avec un questionnaire incongru de 150 questions, pour évaluer l’indemnisation qu’ils pourront recevoir. Son rôle m’emballe un peu moins mais je m’y suis attachée petit à petit. Laurie, joué par Amy Brenneman, l’ex-femme de Kevin, et mère de leur fille Jill, est un personnage que j’aime beaucoup. Elle apparaît telle une mère indigne quittant son foyer, mais paradoxalement comme une femme forte, par sa détermination et son implication au sein de la secte des Coupables Survivants. Elle était autrefois psychologue, et je me suis demandé comment elle avait pu délaisser sa famille pour rejoindre cette secte, pour s’infliger le silence, les contraintes de cette vie militante, les surveillances nocturnes dans le froid, et les conditions de vie très précaires et rudes. Je trouve l’actrice remarquable, d’autant que son rôle est quasiment muet, mais elle réussit parfaitement à retranscrire ses émotions. Un autre personnage, qui est pour moi très marquant, est le révérend Matt Jamison interprété par Christopher Eccleston. Il est aussi le frère de Nora, et sa femme Mary est devenue tétraplégique le jour la Disparition dans un accident de voiture. Il interprète cette Disparition à la manière d’un homme de foi, mais malgré son désarroi et sa peine il tente d’apprendre de cet enseignement et accepte son sort. L’acteur est très fort, il arrive à mettre mal à l’aise par sa prestance et sa conviction ; il m’a également fait éprouver de la pitié quand il se fait piéger par sa dévotion pour les autres. Pour finir, je trouve que les personnages de Patti Levin, la dirigeante des Coupables Survivants de Mapleton joué par Ann Dowd, et Meg une jeune recrue de la secte interprétée par Liv Tyler, sont étonnants et très intéressants bien que secondaires.

Pour moi cette série est une expérience, elle pose de nombreuses questions métaphysiques, et elle offre des émotions fortes. C’est une étude psychologique dans un contexte inédit, puisqu’il est dû à un phénomène inexplicable. Tout l’intérêt de cette série est de voir la difficulté de vivre après la perte d’êtres chers sans qu’ils ne meurent pour autant et sans savoir où ils sont. Par définition, une personne qui n’est plus là est forcément décédée, alors que pour « les laissés-pour-compte » c’est différent, sachant qu’ils ne peuvent pas envisager cette vision des choses. Donc il leur est très difficile de concevoir cette idée car elle n’est pas « naturelle ».
Pour aller plus loin, j’ai ensuite lu le roman de Tom Perrotta, « Les disparus de Mapleton », dont la série est inspirée. Il raconte la même histoire, avec quelques différences considérables sur le caractère des personnages et sur la tournure des évènements. Cependant j’ai retrouvé des scènes identiques à la série et j’ai pu prendre du recul, et obtenir des détails supplémentaires sur les personnages notamment. Cependant, j’ai été beaucoup moins touchée par l’écriture, un peu pauvre et crue, et le côté dramatique est nettement affaibli bien qu’il y ait des passages très durs et cruels.